RACINES.
Le Japon n’est pas le berceau du karaté. Cet art martial prend sa source sur le continent asiatique, en Chine. Plusieurs fois millénaire, la civilisation chinoise a élaboré des techniques de combat avec et sans armes ainsi que des exercices thérapeutiques qui ont donné naissance à bien des arts martiaux.
Ces méthodes de culture physique et d’auto-défense ne furent pas l’œuvre d’un seul homme ni même d’un groupe homogène d’individus. Elles se sont développées durant des siècles dans un empire gigantesque. Les experts du nord, près de la Mongolie ou de la Corée, ne pratiquaient pas comme ceux du sud, voisins du Vietnam et de l’Inde : le milieu, les caractères physiques, les mentalités, les conditions politiques influençaient leur recherche.
Par ailleurs, l’enseignement des maîtres de cette époque reculée était imprégné par la pensée bouddhiste et le confucianisme apparus au VI° siècle avant J-C. Les valeurs philosophiques de la culture chinoise, très raffinée, pénétrèrent en profondeur l’art de la guerre.
VOYAGEURS.
Très tôt, marchands, diplomates et soldats chinois partirent à des milliers de kilomètres de leur pays, sur terre et sur mer. Au X° siècle, ils prenaient pied dans les îles Ryu Kyu, situées entre Taïwan et le Japon, tissant des liens commerciaux et diplomatiques avec les souverains d’Okinawa, la plus grande de l’archipel. Ils trouvaient là entre autres le soufre nécessaire à la fabrication de la poudre. A la fin du XIV° siècle, le commerce et les échanges culturels s’intensifièrent, notamment avec la province du Fukien, au sud-est de la Chine.
Existait-il une méthode de combat propre aux okinawaïens ? Le fait est que nombre des chinois qui fréquentaient l’île pratiquaient les arts martiaux. Les premiers enchaînements qui furent enseignés étaient des tao (kata) transmis par des continentaux ou des okinawaïens d’origine chinoise voire des insulaires ayant séjourné plusieurs années en Chine.
SECRET.
En ces temps lointains, la vie était mouvementée. Divisé en fiefs rivaux jusqu’alors, l’archipel des Ryu Kyu fut unifié au début du XV° siècle. Le roi Sho Hashi interdisant le port des armes, l’étude du combat à mains nues prit un nouvel essor en même temps que le détournement d’outils et d’ustensiles donnait naissance à de nouvelles techniques. Ces dernières forment les kobudo okinawaïens (bo = bâton, nunchaku = fléau, tonfa = levier, kama = faucille, eku = rame, etc…) par opposition aux kobudo japonais (sabre, lance, arc, etc…).
A cette époque, l’enseignement était très réaliste. Par exemple, les déplacements et les positions des combattants tenaient compte du sol (meuble, dur, glissant) et de l’environnement (jour, nuit, dégagé, encombré). Ces éléments se retrouvent dans la manière d’exécuter les kata.
En 1609, un clan du sud du Japon, les Satsuma, envahit l’archipel. L’enseignement des techniques de combat devint confidentiel. On s’entraînait de nuit, en petit comité, apprenant à désarçonner un cavalier grâce à des coups sautés, durcissant son corps pour affronter des soldats en armure.
TE.
Jusque là, chaque groupe, chaque « école » gardait sa spécificité. Mais peu à peu, des noms génériques apparurent : Tode, de « de », la main, la technique et « to » le continent, la Chine. Ou encore Kempo, la « méthode du poing ». Les japonais, confrontés sur le terrain à ces savoirs guerriers, parlèrent d’Okinawa te.
De cette époque date la coexistence des terminologies chinoise, okinawaïenne et japonaise. Exemple significatif de ce choc des cultures, un kata, enseigné vers 1760 par un maître chinois nommé Kwang Shang Fu. Son nom finit par désigner l’enchaînement en question. En chinois, son patronyme peut se lire Kushanku, en okinawaïen Kosokun, en japonais Kwanku ou Kanku.
Pour en revenir à la désignation de l’art lui-même, il faut suivre le même chemin. A l’origine, le chinois K’iuan Fa (notre Kung Fu) désignait l’art du poing, la lecture des mêmes idéogrammes par les okinawaïens donna Kempo. Idem pour Tode, prononciation okinawaïenne du chinois T’ang Cheou.
Et le mot Karate alors ? En 1936, le maître Gichin Funakoshi, installé au Japon, changea les idéogrammes anciens, apportant une nouvelle lecture tant sur la forme que sur le fond. Il remplaça To par Kara = vide et ajouta le suffixe Do = la voie. Ainsi naissait le karatedo, la voie de la main vide. Pourquoi ?
La montée du nationalisme nippon dans les années 30, le rejet de tout ce qui pouvait avoir un rapport avec la Chine, alors occupée militairement par les japonais, l’expliquent en partie. D’ailleurs l’ancien nom des kata Pin’an devint à la même époque Heian.
Mais justement, Heian désigne une période pacifique de l’histoire japonaise. De plus, parler de voie (do) plutôt que de technique (jutsu) annonce une recherche plus philosophique, celle d’un homme mûr, fin lettré, issu de l’époque féodale, qui voit la violence aveugle gagner du terrain. Comme la plupart des maîtres de l’époque, il ne pouvait accepter de voir les valeurs éducatives de son art dévoyées.
RENAISSANCE.
En 1875, après plus de deux siècles de présence japonaise, Okinawa avait intégré l’organisation administrative nippone en devenant une préfecture. Le Japon sortait du Moyen Age, l’ère Meiji, ouverte en 1868, marquait le début d’une modernisation que rien n’arrêterait.
A Okinawa, la période du secret avait isolé les maîtres d’arts martiaux les uns des autres, appauvrissant les échanges. Trois tendances avaient vu le jour, désignées du nom des localités d’origine : Naha Te, Shuri Te et Tomari Te. Aujourd’hui, Naha, la capitale, a absorbé le village de Shuri et le port de Tomari.
Les maîtres de l’époque s’admiraient, se détestaient ou se jalousaient comme le commun des mortels. Les défis entre écoles ne manquaient pas. L’enseignement reposait principalement sur le kihon (répétition des gestes techniques de base) et les kata (enchaînements codifiés plus savants).
Véritable pierre angulaire de la discipline, les kata dissimulent sous un aspect gymnique rigoureux des techniques d’auto-défense plus ou moins élaborées. On en dénombre de nos jours des dizaines mais seuls 24 kata sont antérieurs au XX° siècle. On les désigne parfois du nom de kata antiques.
Les vertus éducatives de l’Okinawa Te, divulgué peu à peu, n’échappèrent pas aux responsables politiques et administratifs. Dès 1900, le maître Anko Itosu l’introduisit dans les écoles publiques et les lycées.
ENTRE TRADITION & MODERNITE.
Pour faciliter l’apprentissage sans altérer l’héritage ancien, Maître Itosu élabora une pédagogie adaptée au milieu scolaire. Par exemple, il s’inspira des kata Kosokun, Passaï, Jion et Chinto pour créer les cinq petits kata Pinan à l’usage des débutants vers 1905-1907. Par ailleurs, normalisation oblige, un ancien sergent de la jeune armée impériale, Yabu Kentsu, proposa d’adopter une tenue commune, le keikogi blanc, improprement appelé kimono chez nous.
Au-delà du vêtement qui incorpora une ceinture nouée devenue un signe de reconnaissance, l’animation de groupes plus nombreux que par le passé imposa des commandements nouveaux. Ces ordres furent simplement copiés sur les armées prussienne et française dont les instructeurs formaient les troupes nippones !
Ces détails de pure forme ne doivent pas occulter les apports strictement japonais. La religion Shinto et le Bushido, le code d’honneur des Samouraï, ont profondément marqué le passage de l’Okinawa Te vers le monde moderne.
Entre 1914 et 1922, des experts commencèrent à le diffuser au Japon via des démonstrations publiques. Afin de ne pas apparaître pour des brutes aux yeux des japonais, ces émissaires furent choisis en fonction de leur niveau intellectuel autant que technique. Ouvrant des dojo, écrivant des livres, utilisant la photographie, ils révolutionnèrent la tradition. Jusqu’ici, il fallait se faire accepter chez un maître. Désormais, les maîtres allaient vers les élèves.
LES ECOLES MODERNES.
Le Karatedo ne fut jamais l’apanage d’un seul individu. Parmi les experts envoyés au Japon vers 1920, Gichin Funakoshi et Choki Motobu. Le premier, très cultivé, écrivait des poèmes sous le pseudonyme de Shoto = ondulation des pins dans le vent. En 1935, il baptisa son dojo Shoto Kan = la maison de Shoto et sa méthode fut connue sous le nom de Shotokan Ryu (ryu = école). Sa rivalité avec Choki Motobu, plus fruste, était célèbre. Ce dernier restait attaché à l’enseignement rude de la période féodale et prônait le combat à frappes réelles.
Pour se rapprocher au plus près des sensations du combat en minimisant les risques de blessures, on explora dès lors toutes les pistes (protections anatomiques, interdictions des techniques les plus dangereuses, etc…). Ce débat reste vivace.
Après eux arrivèrent Chojun Miyagi et Kenwa Mabuni, fondateurs du Goju Ryu (1929) et du Shito Ryu (1934). La même année, Hironori Ohtsuka, un disciple japonais de Gichin Funakoshi, expert de Ju Jutsu, fondait le Wado Ryu.
L’Okinawa Te s’exporta également dans le Pacifique, notamment à Hawaï (1905) et sur la côte ouest des USA (1920) où naquirent des écoles originales de Kempo.
Pendant cet essor international, d’autres écoles prospéraient à Okinawa : Sukunai Hayashi Ryu, Kobayashi Ryu de Shoshin Chibana, Matsubayashi Ryu de Shoshin Nagamine, Uechi Ryu de Kambun Uechi.
Après l’intermède tragique de la Seconde Guerre Mondiale, le Karatedo reprit son expansion, vers l’Europe d’une part, l’Amérique du Nord de l’autre. Le mouvement s’accéléra avec l’amélioration des moyens de locomotion, le succès du cinéma d’action et l’apparition des compétitions.
TECHNIQUE
KATA
Dans notre club, nous étudions les kata Shito Ryu et Nanbudo. L’étude des kata englobe l’histoire, la technique et l’application en combat (bunkaï). Chaque fois que cela est nécessaire, on aborde les variantes existant dans d’autres styles.
On distingue trois groupes de kata.
Les kata de base sont des formes élémentaires destinées aux débutants, plus particulièrement aux enfants. Ils permettent de familiariser l’élève avec ce type d’exercice, d’acquérir la coordination nécessaire entre membres supérieurs et inférieurs, de mémoriser des déplacements simples, une position de base, une parade et une attaque le tout sur les trois niveaux bas, moyen et haut.
Kata de base : Ju ni no kata shodan & Ju ni no kata nidan
Les kata avancés sont numérotés de 1 à 5. La première série a été mise au point en 1905/1907 par Maître Anko Itosu pour faciliter l’étude du Karaté. Il a regroupé et adapté des séquences tirées de kata anciens, plus complexes et plus longs, et les a enchaînés selon une logique pédagogique. Ces kata sont repris en Shito Ryu.
La deuxième série a été créée par Maître Yoshinao Nanbu dans les années 80. Elle prend en compte l’évolution récente du Karaté en intégrant des techniques hautes, des formes de coups de pieds latéraux ou circulaires élaborées au XX° siècle et une gestuelle ample plus fluide.
Kata avancés :
Pinan shodan, Pinan nidan, Pinan sandan, Pinan yodan, Pinan godan
Nanbu shodan, Nanbu nidan, Nanbu sandan, Nanbu yondan & Nanbu godan
Les kata supérieurs sont la mémoire du Karaté. Plus ou moins complexes, ils recèlent nombre de techniques cachées que seule l’étude approfondie permet de découvrir. Leur répétition est à la fois source de connaissance martiale, d’amélioration technique, de bien-être physique et d’équilibre psychique.
Kata supérieurs :
Naifanchi shodan, Naifanchi nidan, Naifanchi sandan, Bassai dai, Kosokun dai, Jion, Jiin, Jitte, Wanshu, Kururunfa, Seisan, Sanchin, Seienchin, Juroku, Matsumura Rohai.
KUMITE
Kumite, textuellement rencontre des mains, se traduit communément par combat, assaut. En Karate Do, il existe diverses formes d’assaut, libres ou conventionnels.
Les assauts libres sont par exemple les combats de compétition ou les combats d’entraînement laissant aux pratiquants le libre choix des attaques et des défenses ainsi que du moment où les exécuter (ju kumite).
- appelle assauts conventionnels les combats pré-réglés au cours desquels on impose les techniques et on détermine les rôles à l’avance (attaquant / défenseur = tori / uke). La difficulté technique et la difficulté d’exécution augmentent progressivement.
Kihon ippon kumite, sanbon kumite, gohon kumite : assauts conventionnels de base sur un, trois et cinq pas en ligne.
Ippon kumite, Ju ippon kumite : assauts conventionnels avancés sur un pas.
Les écoles Sankukaï et Nanbudo possèdent des assauts conventionnels spécifiques appelés Randori no kata élaborés par Maître Nanbu depuis les années 70 . Dans ce type de combat, le maître-mot est mobilité.
Dans la forme d’apprentissage, l’attaquant attaque sept fois (Oï tsuki d + g, Mae geri d + g, Mawashi geri d + g, Oï tsuki jodan d), toujours dans le même ordre, successivement à droite et à gauche en pivotant et en tournant autour de son adversaire après chaque échange.
Le défenseur esquive et riposte par des techniques différentes selon chaque randori.
Les exécutants changent de rôle après chaque série.
Dans les formes de perfectionnement, l’orientation de l’assaut et le rythme des échanges sont laissés au libre-arbitre de l’attaquant (Kihon ju randori), les exécutants changent de rôle après chaque échange (Ju randori).
Randori ichi no kata, ni no kata, san no kata, yon no kata : assauts conventionnels de base avec ripostes des poings (1), des pieds (2), en balayant (3) et en projetant (4).
Kaiten randori ichi no kata, ni no kata, san no kata : assauts conventionnels avancés avec ripostes pivotantes des poings (1), des pieds (2) et en balayant (3).
Randori irimi no kata, gyaku irimi no kata, sukui no kata : assauts conventionnels supérieurs utilisant diverses formes de projections.
BIOGRAPHIE de Maître NANBU
Yoshinao Nanbu naît en février 1943 à Kobe, au sud de l’île de Honshu (Japon). Issu d’une famille rompue aux Arts Martiaux, un aïeul sumotori, un oncle kendoka, son frère et son père judoka, il aborde très tôt différentes disciplines (Judo, Kendo, Aïkido, Kobudo). L’esprit du Budo fait entièrement partie de son éducation.
Vers 13 ans, il découvre le Karaté Shito Ryu sous la houlette de Me Tani et de Me Tanaka. Adolescent plutôt bouillant, il répond à chaque défi, un exercice fréquent dans le Japon d’après-guerre, avant de se calmer à la demande de ses maîtres. A 18 ans, il entre à la faculté de Sciences économiques d’Osaka où il obtiendra son diplôme en 1965. Particulièrement doué, il devient capitaine de l’équipe de son université en 1963. La même année, il reçoit son 4° dan et remporte le titre de Champion universitaire du Japon, compétition à laquelle participent 1250 concurrents ! Ce haut fait lui vaut la Médaille de Grand Mérite décernée par le responsable de l’association universitaire de Karaté, directeur de l’université de Waseda, Me Ohama.
En 1964, il est remarqué par Henry Plée, promoteur du Karaté en France à qui on doit la venue des premiers experts japonais. Yoshinao Nanbu a vingt ans, peu d’argent et envie de découvrir le monde. Il accepte un contrat de trois ans, part enseigner dans le mythique dojo de la montagne Ste Geneviève à Paris et tombe amoureux de la France.
C’est l’époque où il croise tous les futurs champions et experts français des années 60 & 70 lors d’entraînements mémorables, celle aussi des petits boulots pour arrondir les fins de mois. Une anecdote veut qu’il ait apporté dans ses bagages un des tout premiers nunchaku.
Il se forge alors une sacrée réputation. En effet, son engagement prévoit qu’il participe à la promotion du Karaté en combattant en compétition. Il remporte la Coupe de France 1965 et la Coupe internationale de Cannes 1966. A la fin de son contrat, il se retire de la compétition, invaincu en 200 combats !
Voyageant à travers le monde, il dirige de nombreux stages et côtoie nombre d’experts. En 1968, il obtient le 6° dan. Il ouvre un dojo à Paris où il enseigne le Tani ha Shito Ryu autrement dit le Shukokaï. Il entraîne également l’équipe de France et supervise plusieurs fédérations et sélections (Belgique, Norvège, Ecosse, Yougoslavie). Mais son expérience de combattant et sa connaissance des Arts Martiaux influencent sa conception du Karaté. Peu à peu, il s’éloigne de l’enseignement de Me Tani au point qu’il finit par créer son propre système d’entraînement. Conséquence de cette évolution, une rupture qui défraie la chronique, le faisant passer pour une star capricieuse. La brouille prendra fin des années plus tard, peu de temps avant la mort de Me Tani pour qui Yoshinao Nanbu a gardé un grand respect.
Ainsi naît le Karaté Sankukaï, une méthode qui fait des esquives le socle de l’apprentissage et qui intègre de façon systématique les techniques circulaires ou en pivot et les balayages. La principale innovation pédagogique consiste à les aborder de manière progressive à travers des enchaînements codifiés nommés Randori no kata.
L’essor de l’école Sankukaï dans les années 70 coïncide avec le développement du Karaté en général en Europe et dans le monde. Mais la nécessaire médiatisation repose pour l’essentiel sur la compétition dont les règles inévitables entravent la richesse technique. Et surtout elle attise rivalités et convoitise. En 1978, alors que l’école est présente dans une quarantaine de pays et qu’elle est en mesure d’organiser des championnats internationaux réunissant jusqu’à 17 nations, une crise majeure éclate entre un entourage peu scrupuleux et le jeune expert dépassé par son succès.
Sa déception est immense. Il se retire de la vie publique durant trois ans, dans le Midi de la France, mettant à profit cet intermède pour approfondir sa recherche personnelle. Lorsqu’il réapparaît au début des années 80, il fait découvrir aux karatéka le résultat de son étude : le Nanbudo. S’appuyant sur les bases du Sankukaï, il incorpore à son enseignement plus de variété technique avec notamment des projections, une nouvelle façon de travailler les atemi et surtout des exercices gymniques et de santé comme Nanbu Taïso. Mais les mentalités ont évolué, il doit reprendre son bâton de pèlerin pour gagner à sa cause de nouveaux adeptes.
Il se lance dans cette démarche avec le même enthousiasme qu’à son arrivée en Europe. Il parcourt le continent dans tous les sens, retourne au Japon, en Afrique et en Amérique du Nord. Fidèle à sa conception de l’Art Martial qu’il souhaite évolutif, il ne veut pas d’une école figée où le dogme l’emporte sur l’esprit. En 1986, il dévoile un nouveau système d’arbitrage des combats où la prime va au défenseur. Cette approche déroutante surprend mais l’homme inspire toujours autant la confiance et le respect.
Durant toutes ces années, Maître Nanbu n’a cessé de chercher et d’innover sans jamais renier le message originel. Sa devise : force, courage, conviction. Pour lui, le Budo c’est à la fois la recherche de l’efficacité, de l’harmonie du corps et de la bonne attitude mentale. « Quand on apprend à tirer le sabre, il faut apprendre aussi les raisons de ne pas le tirer.» Aujourd’hui, Maître Nanbu est un des plus hauts gradés de la Fédération Française de Karaté (8° dan) et son école prospère aux quatre coins du globe.
Sur Maître Nanbu, on lira avec intérêt Officiel Karaté - n° 22 - Mai 2007. A lire également de Y. Nanbu Le Karaté Sankukaï - Editions de l’homme & Nanbudo - Les presses de la vallée.
HISTORIQUE DU CLUB
1977 : naissance du Karaté Club Stéphanois. A sa tête, le regretté Gilbert Clanet, président, et un tout jeune entraîneur débutant, Christian Martinez, supervisé par Robert Escoulan, C.N. 3° dan Sankukaï. Autour d’eux, une poignée de mordus.
Ils sont une vingtaine à s’entraîner dans un préfabriqué rudimentaire. Un couloir pour vestiaire, un plancher qu’il faut balayer à tour de rôle avant chaque séance. Pas besoin de longs discours pour inculquer les valeurs martiales d’humilité, de courage et de persévérance. L’étiquette est stricte, le cadre austère. Répétition des techniques de base à l’infini, assouplissements à la barre, pompes et abdominaux en cadence, combats rudes, il arrive que pour prendre l’air on délocalise l’entraînement à l’extérieur … dans la cour voisine, goudronnée comme il se doit. Les apprentis Bruce Lee du samedi soir ne supportent pas ce régime bien longtemps.
Seule référence au Karaté dans ce modeste dojo : un poster de Yoshinao Nanbu, jeune karatéka de renom dont le style suscite un vif intérêt en Europe.
Entre 1977 et 1981, le club déménage deux fois, quittant le plancher d’une salle désormais trop petite pour le goudron (encore !) d’une halle aux sports démesurée puis le tatami (enfin !) du club de judo stéphanois. Pendant cette période, les stages se succèdent : Sankukaï avec Cyril Tran Than Tuan, Full contact avec Dominique Valera et Francis Didier, Shotokan avec Dominique Riccio, Kata avec Jean-Luc Fisher et surtout les deux premiers stages de Maître Nanbu à Perpignan et St Estève en 1981. A cette occasion, les participants découvrent sa nouvelle orientation technique et assistent aux premiers pas du Nanbudo.
1982. L’année de tous les dangers. Malgré une Salle d’Arts Martiaux flambant neuve et de nombreux stages, le niveau technique stagne. Surtout, suite au départ du président, l’équipe dirigeante en proie à des difficultés relationnelles démissionne en bloc. La crise est profonde, il faut tout reconstruire.
Jean-Philippe Alazet devient président et entraîne dans son sillage quelques pratiquants sincères, dirigeants néophytes mais enthousiastes qui relèvent le défi et remettent le club sur de bons rails pour de longues années. Le club se restructure, améliorant notamment l’accueil des enfants, et se dote de nouveaux matériels, sacs, boucliers, protections diverses, etc… Les résultats suivent tant en compétition qu’en termes d’effectifs et en matière de progrès techniques. On compte alors sept ceintures noires à St Estève. Périodiquement, des entraînements sont organisés dans la nature (Corbières, plage) et en 1987 a lieu à Puyvalador le premier stage de Pentecôte qui devient rapidement un rendez-vous annuel.
Le club ne cesse de progresser. L’effectif se stabilise autour de 100 licenciés, le nombre de ceintures noires double. En douze ans, Maître Nanbu vient dix fois dans le département dont trois à St Estève. Poursuivant leur propre progression, Christian et Jean-Philippe atteignent respectivement le 6° dan et le 4° dan.
1995. Lorsque leur maître prend un nouveau virage, Christian et Jean-Philippe ne se sentent pas prêts à le suivre. Sans heurt mais la mort dans l’âme, ils prennent la décision lourde de conséquences de s’en aller. Pas bien loin toutefois. Ne reniant en rien l’enseignement reçu depuis la naissance du club, ils continuent dans la voie du Sankukaï, le portrait de Maître Nanbu restant solidement accroché au kamiza du dojo.
Cette réorientation technique induit également un changement administratif. Le club évolue désormais au sein de la Fédération Française de Karaté. Se pose alors la question des grades, vite tranchée : Christian reprend son grade de C.N. 2°dan de Karaté, Jean-Philippe et les autres ceintures noires passent l’examen du 1°dan. Dans leur esprit, seule compte la passion et après tout la ceinture ne sert guère qu’à ajuster le kimono.
De 1996 à 1999, grâce à des stages avec Sergio Mor Stabilini (Sankukaï) et Kamel Graïria (Shito Ryu), le club trouve son équilibre entre compétition et tradition, entre shiaï et kata.
2000. Au tournant du millénaire, on réorganise les cours. L’Ecole de Karaté réunit deux sections, grands et petits. Pour les plus grands, chaque semaine, une séance kumite (combat) et une séance kata (technique) avec, comme pour les plus petits, le recours à des jeux pédagogiques grâce à un matériel adapté (cibles, parcours d’obstacles, etc…).
Adolescents et adultes consacrent également un entraînement hebdomadaire au kumite, un autre à l‘étude des kata. Tous participent à celui-ci, les combattants n’étant exemptés qu’en période de préparation d‘une compétition. On réserve une séance technico-tactique supplémentaire aux compétiteurs.
Ensuite, pour accompagner les élèves dans leur progression, on met sur pied un programme d’entraînement bi-mensuel intitulé « Objectif Shodan » grâce auquel de nombreux stéphanois accèdent au grade de ceinture noire. Son succès est tel qu’il doit être rapidement aménagé pour prendre en compte à la fois la préparation à l’examen du 1° dan et l’envie de perfectionnement des ceintures noires.
Des stages thématiques complètent ce programme : Karaté traditionnel avec Kamel Graïria et François Minguez, Self-défense avec Samuel Simmoneau.
2007, et après ? A l’orée de sa trentième année d’existence, notre club peut regarder l’avenir avec sérénité. Un effectif de qualité dans toutes les tranches d’âge, un groupe de compétiteurs et compétitrices en devenir, un fer de lance de 35 ceintures marrons et noires, une équipe dirigeante aguerrie et dynamique, des entraîneurs respectés dans et en dehors du club, une politique d’ouverture qui ne se dément pas pour le plus grand bien de tous. Pour preuve, la participation en masse des karatéka stéphanois à un stage de Nanbudo dirigé par le maître en personne.
Seule ombre au tableau, tout ce beau monde est aujourd’hui à l’étroit entre les murs d’une salle d’arts martiaux où flottent de merveilleux souvenirs mais qui a fait son temps.
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« La vie est un éternel recommencement … »
Stéphane Mari, 6° Dan, entraîneur national, au KSE en 2008